Immeuble Beaubourg (épisode 4) Les plans 3D et les maquettes graphiques, c’est bien, mais on n’a qu’une vision partielle du résultat final. Une zone témoin, elle, rend mieux compte de l’esthétique, des couleurs, des matières… et des petites retouches et améliorations techniques à apporter au projet, avant de poursuivre les travaux.

Comme un appartement ou une maison témoin que l’on visite avant d’acheter sa prochaine résidence, la zone témoin d’un immeuble tertiaire présente l’esthétique et la finition générale d’un projet immobilier, avant même que les travaux d’embellissement n’aient commencé. Le plafond, les murs, le plancher, la moquette, les réseaux, les fenêtres et la menuiserie… rien de mieux qu’un espace témoin pour se rendre compte de « ce que ça donne en vrai ». Bien sûr, lorsque le cahier des charges est déjà fixé, les budgets validés et les commandes de certains matériaux déjà passées, comme c’est le cas ici, on ne va pas tout remettre en cause à ce stade. Mais le « témoin » permet d’affiner les finitions, les couleurs, les angles de coupe, les cotes et les épaisseurs, par exemple. Ou même, durant la première mise en œuvre, de déceler les limites techniques de certains choix ou préconisations. Dans l’immeuble parisien de la rue Beaubourg dont nous vous présentons les grandes étapes de rénovation depuis quelques mois (lire ici notre premier article), l’espace témoin avait fait l’objet d’un plan graphique initial. « Pour le témoin, on a mis en œuvre ce qu’on appelle dans notre métier un “premier de série” : on procédera sur tout le reste de l’immeuble exactement comme on l’a fait ici, explique David, chargé d’affaires d’AHRPE. Normalement, on finit par la peinture, mais là, on a fait l’inverse puisque le client souhaite une finition industrielle, avec tous les réseaux apparents. On a donc commencé par toutes les finitions apparentes. On a d’abord traité les plafonds, que l’on a peints. Ensuite, on a fait les doublages, on a posé la fenêtre avec son brise-soleil orientable. Une fois la fenêtre posée, on a déclenché la partie peinture des murs, et on a fini par la pose des planchers techniques, avec la moquette. »

Rénovation immeuble Beaubourg zone témoin

Puisque le témoin doit servir à valider toute la partie apparente, on se penche, par exemple, attentivement sur les peintures, pour lesquelles la maîtrise d’exécution parle de degré de finition A (le plus lisse et fin, sur les murs), de finition B ou de finition C (par exemple pour les plafonds). Ici, pas de problème, mais comme nous l’expliquions dans notre premier article, l’immeuble Beaubourg vise l’obtention d’un label HQE (Haute Qualité environnementale), niveau Excellent. Autrement dit le top. En particulier une Classe 10 (le maximum) pour la partie réflectométrie, qui concerne la qualité de l’éclairage naturel dans les locaux. Or, les murs, les dalles au plafond et la moquette ont une incidence sensible sur la manière dont la lumière se reflète ou est absorbée… Verdict après la visite de l’espace témoin : « Le choix de matériaux fait par les architectes est bon, mais ils avaient dès le départ un doute sur les coloris, et il faudra sans doute effectivement choisir un sol plus clair. Évidemment, au quotidien, plus la moquette est claire, plus il y a de risques de traces et de salissures… Mais pour l’obtention du label HQE, on va quand même lancer une étude de FLJ (facteur de lumière du jour), c’est-à-dire une étude photométrique pour déterminer la réflectométrie des matériaux. » Indépendamment de leur coloris, les finitions périphériques de ces dalles-là ont quand même été validées, de même que le calepinage du sol : deux types de pose ont été proposés au client, qui a pu faire son choix en connaissance de cause. Sur la circulation des flux dans la partie intérieure, tout ce qui avait été imaginé sur plan a fonctionné. Donc tous les réseaux : courant fort, courant faible, réseau hydraulique, réseaux frigorigènes… Pour être précis, la sortie de la gaine thermique micro-perforée ne donnait pas entière satisfaction : « On se retrouvait en sortie avec un gros “jour”, un espace pas très esthétique. Il a fallu trouver une solution, opérée juste après la présentation du témoin : on a posé un collier sur le tuyau factice, juste pour pouvoir cacher le trou de sortie et garder le rendu industriel », confie David. L’espace témoin permet à chacun d’exprimer des réserves ou de faire des observations : le propriétaire, bien sûr, mais aussi le maître d’exécution et AHRPE. « Le client est très content de l’aspect général, se réjouit David, ça colle très bien avec ce qu’il imaginait. Le témoin a été validé avec de petites observations. De notre côté, cela nous a permis de nous rendre compte que certains éléments, comme la synthèse des menuiseries extérieures, méritaient quelques corrections. » Sur le projet Beaubourg, en effet, le témoin concernait tant l’intérieur que l’extérieur de l’immeuble. Pour les fenêtres elles-mêmes, « on est conforme à nos plans et à ce que le client souhaitait ». Au total, 80 châssis seront posés, pour la plupart de 3,80 m sur 3 m de haut (et de 2,80 m pour la partie cours). Mais juste derrière la fenêtre doit être posé un BSO (brise-soleil orientable) électrique. Or, pour répondre aux normes, notamment de tolérance de prise au vent, il a fallu ajouter des renforts aux fenêtres. Résultat : il manquait finalement quelques millimètres pour placer le BSO derrière la vitre… Rien d’insurmontable, qu’on se rassure, une solution a été trouvée sans avoir à déplacer le châssis. Et c’est heureux, car la solution a priori la plus simple, qui aurait consisté à grappiller 20 petits millimètres à l’intérieur des locaux, n’avait pas du tout la préférence du client. Cela peut se comprendre, justifie David : « On pense que 2 cm, ce n’est pas grand-chose, mais quand on se met à la place du propriétaire, on se rend compte que 20 mm grignotés sur tout l’immeuble, au final, cela fait plus de 400 m² ! Et vu le prix du mètre carré à Paris… » Sur ce projet, les architectes des bâtiments de France ont également leur mot à dire, en particulier sur la façade et sur l’alignement des fenêtres par rapport aux briques, car l’immeuble est classé monument de France. « La menuiserie s’inscrit dans une nouvelle trame, avec des joints redessinés. C’est vraiment beau », juge notre expert. Mais il a tout de même fallu concilier la sécurité et l’esthétique. « Le garde-corps, c’est ce qui prime. On a réussi à respecter la réglementation du Code du travail et l’alignement avec les briques. On a fait un premier gabarit pour voir l’alignement possible et la cote finale de la traverse, ça se joue à 18 millimètres. Ce qui a permis d’avoir la validation extérieure pour la menuiserie, qui s’inscrit parfaitement dans l’alignement des joints. » Sur la façade de l’immeuble, 42 châssis seront ainsi posés, dont 34 bien visibles jusqu’au 5e étage (au-delà, il s’agit de balcons). Pour l’occasion aussi, sur le petit espace témoin extérieur, 50 centimètres de briques – à droite et à gauche de la fenêtre – ont été parfaitement rénovés, pour valider l’esthétique finale de la brique reconstituée. Nous reviendrons plus en détail sur la rénovation de la façade, précisons juste ici que la reconstitution rustique de la brique à l’identique, qui prend certes plus de temps, va dans le sens du devis de travaux modificatifs demandé. Le client a ainsi validé le coloris des briques et l’aspect final du joint. Afin de vraiment marquer la brique remise à son état d’origine, le propriétaire de l’immeuble souhaitait, en effet, un retrait du joint d’au moins 5 millimètres par rapport aux briques. Comme il s’agit de parties exposées aux intempéries, il a fallu traiter les briques, qui avec le temps étaient devenues poreuses. Le témoin est donc validé dans sa globalité et le client satisfait. Pour refléter les changements, des mises à jour sont en cours sur les plans. De même, les études de FLJ doivent être finalisées afin que le bureau d’études indique ses nouvelles préférences. Mais la validation permet d’ores et déjà de démarrer officiellement la production de toutes les menuiseries extérieures, pour commencer à s’approvisionner. Rendez-vous dans un prochain article pour suivre l’avancement du chantier…